Nos Thèses
Aspects méthodologiques des études thérapeutiques sur les maladies vasculaires rares à expression cutanée
Aujourd'hui, l'évaluation thérapeutique repose principalement sur l'essai contrôlé randomisé avec un schéma en deux groupes parallèles. Cependant, pour les maladies rares, ce standard est difficilement applicable en raison des effectifs nécessaires. Aussi cette thèse s'est-elle donnée trois objectifs, correspondant à trois travaux distincts. Le premier a été de passer en revue les schémas d'études utilisés pour évaluer les thérapies dans un groupe de maladies rares donné, les anomalies vasculaires superficielles (AVS) rares, qui affectent particulièrement la population pédiatrique. Une revue systématique de la littérature analysant les essais menés entre janvier 2000 et janvier 2021 sur le traitement des AVS rares a ainsi été réalisée. Elle a permis de dresser un inventaire des schémas d'études utilisés ainsi que des justifications sous-tendant le choix de ces schémas méthodologiques. Le second objectif visait à approfondir l'analyse d’un schéma méthodologique identifié pour l’évaluation thérapeutique des AVS rares, le schéma dit « individual stepped-wedge randomized trial », afin de faciliter sa mise en place en déterminant un calcul d’effectif adapté. Une formule de calcul d'effectif a ainsi été validée par une étude avec une approche de simulation Monte-Carlo. Enfin, le troisième objectif de la thèse a été d’identifier le schéma méthodologique considéré comme le plus pertinent par un panel d’experts, pour mener des essais cliniques sur les AVS rares. Ce travail a utilisé la méthode de consensus internationale Delphi, réunissant des experts médicaux et des représentants d'associations de patients, en leur présentant différentes situations cliniques et thérapeutiques. Cette approche a permis d'aboutir à un consensus sur plusieurs situations cliniques spécifiques, offrant ainsi une base pour guider les futures études thérapeutiques dans les AVS rares.
Randomisation d’Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes et risque d’attrition : choix du design et stratégie d’analyse
Dans un essai avec randomisation en cluster, l’unité de randomisation n’est pas l’individu mais un groupe d’individus naturellement constitué, le cluster. Les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) sont des lieux de vie accueillant des personnes âgées en perte d’autonomie. Au regard des interventions évaluées dans ce type d’établissement, l’essai en cluster est un schéma particulièrement adapté. Malgré l’enjeu lié au vieillissement global de la population, les essais randomisés en EHPAD restent peu nombreux, notamment en raison de problématiques méthodologiques telles que l’attrition liée au décès. L’objectif de cette thèse était donc de proposer une approche permettant de gérer cette attrition. La première partie de ce travail fût une revue méthodologique de la littérature, à partir d’essais publiés entre 2005 et 2020 dans des revues médicales généralistes ou de gériatrie à impacts facteurs élevés. L’objectif était d’identifier les principales méthodes utilisées pour gérer l’attrition. La seconde partie de ce travail s’est focalisée sur le schéma d’étude en cohorte fermée, le plus utilisé mais également le plus exposé à l’attrition. L’objectif était d’évaluer dans quelle mesure un schéma en cohorte ouverte pouvait lui être substitué. La troisième étape fût un travail de simulation Monte Carlo afin d’évaluer dans quelle mesure un schéma en cohorte ouverte permettait de limiter le biais dans l’estimation d’un effet intervention avec des données manquantes non aléatoirement, en comparaison à un schéma en cohorte fermée.
La plupart des interventions évaluées en EHPAD sont déployées à l’échelle de l’établissement, faisant de la cohorte ouverte un schéma d’étude bien adapté, par ailleurs moins impacté par l’attrition individuelle qu’une cohorte fermée. Les estimations de l’effet intervention sont en effet peu biaisées. Ce type de schéma d’étude apparaît donc comme une méthode de choix dans la conduite d’essais en cluster en EHPAD.
Analyse d’un essai randomisé en clusters avec un critère de jugement de type survie
Un essai randomisé en cluster (ERC) est un essai dans lequel on randomise des groupes d’individus, nommés clusters, et non des individus. Ce schéma d’étude induit une corrélation entre les réponses des individus d’un même cluster qui doit être prise en compte lors de l’analyse statistique. Les critères de jugement de type survie ne sont pas rares dans les ERC, pourtant il n’existe pas de recommandations pour les analyser.
En survie, l'effet d’une intervention peut être mesuré par la différence de temps de survie moyen restreint (RMST) entre les bras intervention et contrôle jusqu’au temps t*. Cette mesure, alternative au rapport des risques instantanés, ne repose pas sur l’hypothèse des risques proportionnels et peut être facilement
interprétée comme le gain d’espérance de vie obtenu grâce à l’intervention sur une durée t*.
L’objectif principal de ce travail était d’étudier l’utilisation de la différence de RMST pour l’analyse des critères de type survie dans les ERC.
Tout d’abord, nous avons proposé et comparé à l’aide d’une étude de simulation, deux approches pour estimer une différence de RMST pour les ERC (intégration des courbes de Kaplan-Meier et régression sur des pseudo-valeurs). Les méthodes avaient de bonnes performances pour un nombre de clusters suffisamment grand (≥50). Pour les ERC avec un petit nombre de clusters, le recours à un test de permutation avec la régression sur des pseudo-valeurs permettait de contrôler l’erreur de type I, qui dépassait 5% autrement. Nous avons ensuite proposé des méthodes alternatives au test de permutation, visant à réduire le biais de la variance estimée avec la régression sur des pseudo-valeurs. Ces méthodes, en particulier la correction de Fay et Graubard associée à une distribution de Student, présentaient une erreur de type I proche de 5%.
Ce travail ouvre la voie à une meilleure analyse des critères de jugement de type survie et à l’utilisation de la différence de RMST comme mesure de l’effet intervention dans le cadre des ERC.
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Satisfaction et besoins de soins des patients atteints de cancer : validation de deux outils français d’évaluation
La satisfaction des patients est un des éléments d’évaluation de la qualité des soins. Elle est un concept subjectif qui témoigne de l’adéquation entre ce qu’un patient attend du système de soins et des professionnels de santé et sa perception de la qualité des soins reçus. Son évaluation repose sur l’utilisation d’outils tels que des auto-questionnaires. Son amélioration dépend de l’identification des attentes et des besoins de soins des patients. En cancérologie, et notamment en situation palliative, elle témoigne d’une prise en charge globale et personnalisée. L’objectif principal de cette thèse était de développer et de valider des outils en langue française d’évaluation de la satisfaction et d’identification des besoins de soins des patients atteints de cancer.
Pour ce faire, une traduction et une adaptation transculturelle du questionnaire anglais de satis-
faction FAMCARE-Patient ont été effectuées. La validité de contenu et la validité de face de l’outil obtenu (FFP-16) ont été vérifiées. Les analyses statistiques ont mis en évidence de bonnes propriétés psychométriques de l’outil. Nous avons également développé à partir de la littérature un outil d’identification des besoins de soins (ACCOmPAgNE) combinant quatre approches complémentaires : l’importance d’un domaine donné, l’intensité et la pénibilité d’une difficulté rencontrée et le besoin d’aide exprimé. La validité de contenu et la validité de face ont été vérifiées. En utilisant ces outils, il serait possible de faciliter la communication entre patients et professionnels de santé, favoriser des actions adaptées à la singularité d’un patient donné et améliorer la qualité des soins reçus et la satisfaction de celui-ci.
Développement et évaluation de méthodes permettant d'étudier les sources d'hétérogénéité du DIF et du Response Shift lors de l'analyse des données rapportées par les patients
Les concepts subjectifs comme la fatigue, l’anxiété ou encore la qualité de vie font l’objet d’un intérêt croissant en recherche biomédicale. Ces concepts subjectifs n’étant pas directement observables, on les mesure à l’aide de questionnaires généralement autorapportés par les patients. L’analyse de ce type de données peut néanmoins s’avérer complexe. En effet, la comparaison directe des scores obtenus à un questionnaire entre différents groupes d’individus ou au cours du temps suppose que tous les individus interprètent les items du questionnaire de la même façon et que cette interprétation ne change pas au cours du temps.
Cette hypothèse peut s’avérer fausse. Par exemple, certains individus peuvent interpréter différemment le concept mesuré (et les questions associées) en raison de leurs caractéristiques culturelles, environnementales et personnelles, mais également à cause des expériences qu’ils ont vécues. On parle alors de fonctionnement différentiel des items (DIF). De plus, suite à un événement de santé important, certains individus peuvent également interpréter différemment les questions qui leur sont posées au cours du temps (response shift, RS). Le DIF et le RS doivent être pris en compte, car ils peuvent potentiellement fausser l’interprétation des données recueillies, mais également être des phénomènes d’intérêt en soi. L’objectif de cette thèse est de proposer et d’évaluer par simulations des développements méthodologiques pour étudier les sources d’hétérogénéité de ces deux phénomènes. Ce manuscrit est composé de trois travaux principaux : (i) Le développement d’une méthode visant à individualiser la détection du RS, (ii) le développement d’une méthode de détection du DIF en prenant simultanément en compte deux covariables binaires et (iii) l’étude des propriétés psychométriques de l’inventaire du développement post-traumatique (un phénomène potentiellement lié au RS).
Mesures de santé subjectives, Essais cliniques, Modèle de Rasch, Métrologie
La métrologie a permis de définir des standards qui ont grandement bénéficié aux mesures dites physiques, sur lesquelles sont basés la plupart des critères de jugement des essais cliniques. L’utilisation croissante des échelles patients ou mesures « patient-reported outcomes » (PROs) dans les essais cliniques rend plus que jamais souhaitable l’amélioration de leur fiabilité et de leur interprétabilité, afin d’atteindre le même niveau de crédibilité que les critères de jugement classiques. L’objectif de ce travail est ainsi d’explorer les apports de la métrologie pour l’évaluation des traitements par les critères de jugement PROs des essais cliniques. Le modèle de Rasch a précédemment été mis en avant concernant son intérêt pour l’obtention de mesures PROs qui satisfont les principes métrologiques. Une première étape de ces travaux consistait à conceptualiser l’essai clinique dans le cas d’un critère de jugement PRO selon un modèle scientifique qui s’appuie sur le vocabulaire métrologique : l’essai clinique comme système de mesure. Partant de ce modèle, nous listons et catégorisons les sources d’incertitude de mesure qui interviennent dans un essai, ce afin de, in fine, améliorer son expression avec les résultats PROs de l’essai. Enfin, nous présentons les résultats d’une étude de simulation qui suggèrent que l’étalonnage des mesures PROs n’affecte pas la capacité de l’essai à montrer un effet du traitement, lorsque celui-ci existe. Issues de ces travaux, des propositions peuvent ainsi être formulées afin d’améliorer la mesure de l’expérience des patients dans les essais cliniques.
Analyse de la place des études de phase IV pour l'évaluation du risque médicamenteux dans les populations vulnérables
Durant le développement clinique, une surveillance du risque encouru par le patient, est réalisée. Cependant, lors de la mise sur le marché d’un produit de santé, la connaissance de sa balance bénéfice-risque n’est que parcellaire. Le système de surveillance post AMM, qui permet d’actualiser cette balance, est basé essentiellement sur la notification spontanée d'effets indésirables. Quelle est la nécessité d’études de phase IV, en complément des données d’essais cliniques et de l’évaluation de pharmacovigilance ? L’objectif de nos travaux de recherche est d’étudier l’approche complémentaire des études de phase IV et leur intérêt par rapport aux études de phase III et aux données de pharmacovigilance, en se focalisant sur un exemple de population peu étudiée des essais cliniques, les sujets âgés, et de médicaments anciens, les benzodiazépines et un effets survenant lors de l’utilisation au long cours, la pharmacodépendance. Notre travail montre que les études post AMM sont primordiales pour connaître le profil de risque et de pharmacodépendance d’un médicament, évolutif tout au long de la « vie ». Prédire au mieux les situations éventuelles de dépendance, détournement, etc. nécessite une bonne évaluation de la balance bénéfice-risque non seulement de l’utilisation médicale dans l’AMM, mais aussi dans toutes les situations de off label use y compris les utilisations non médicales. Ces données sont indispensables pour comprendre les freins à l’applications des recommandations ou réglementation de bon usage.
Applicabilité des résultats d’essais randomisés en médecine générale
De nombreuses recommandations de bonne pratique sont établies à partir d’essais réalisés en soins secondaires ou tertiaires et les médecins généralistes questionnent leur applicabilité aux patients de soins primaires.
Le premier objectif de notre travail était de comparer par une approche méta-épidémiologique l’effet intervention estimé entre des essais contrôlés randomisés en soins primaires et des essais contrôlés randomisés en soins secondaires ou tertiaires. Il n’y avait pas de différence dans l’effet intervention estimé entre les deux types d’essais avec un ratio d’odds ratio de 0,98 (IC 95% = 0,88 à 1,08). Néanmoins de nombreuses méta-analyses sélectionnées portaient sur des domaines médicaux qui ne sont pas les plus rencontrés en soins primaires tels que la psychiatrie ou l’addictologie (38,2%) et la pneumologie (13,2%), en comparaison à l’endocrinologie ou aux pathologies cardiovasculaires.
Le second objectif de ce travail était de comparer les caractéristiques des patients atteints de diabète de type 2 suivis en médecine générale à celles des patients inclus dans les essais ayant servi à l’élaboration des recommandations de bonne pratique de la HAS. Ces 2 populations différaient sur de nombreux points importants. Les patients de médecine générale étaient plus âgés (moyenne±écart-type 68,8 ±1,1 ans vs 59,9 ans [différence standardisée 0,8]) et avaient un IMC plus élevé (31,5 (6.93) kg/m2 vs 28,2kg/m2 [différence standardisée 0,48]) que les patients inclus dans les essais. Ils avaient aussi plus de traitements antidiabétiques (82,1% vs 37,5% [différence standardisée 0,89]) que les patients des essais mais avaient moins d’antécédents cardiovasculaires (infarctus du myocarde : 7,6% vs 23,1% [différence standardisée -1,14]). Nos résultats montrent que des essais incluant des patients plus représentatifs de ceux rencontrés en médecine générale sont nécessaires afin de s’assurer de la généralisabilité de leurs résultats et par conséquence de leur application en pratique quotidienne.
Aspects méthodologiques et statistiques des « within-person randomised trials » évaluant un traitement topique en dermatologie
Lors de l’évaluation d’un traitement topique en dermatologie, on peut recourir à un « within-person design ». Les unités de randomisation ne sont alors pas les patients mais les lésions (ou régions anatomiques), et les traitements à comparer sont appliqués de façon concomitantes sur les différentes lésions. Ce schéma d’étude réduit la variabilité inter-observations, et donc le nombre de patients à inclure dans l’essai. Cependant il présente des contraintes méthodologiques majeures, notamment la nécessité de s’assurer qu’il n’y a pas de risque de contamination intergroupe (« carry across effect »). L’objectif de cette thèse était d’étudier les aspects méthodologiques et statistiques des « within-person trials ». La 1ère partie de ce travail présente une synthèse des aspects méthodologiques à considérer lorsqu’on envisage ce type de schéma d’étude. Cette synthèse a été réalisée par un groupe de travail comportant des dermatologues et biostatisticiens. Dans la 2ème partie, nous avons réalisé une revue méthodologique des « within-person trials » publiés entre 2017 et 2021. Les aspects méthodologiques identifiés dans le 1er travail ont été recueillis et discutés dans cette revue. Le 3ème travail portait sur les méthodes d’analyse potentielles pour ce type d’essai. A l’aide d’une étude de simulation de Monte-Carlo, nous avons comparé les propriétés statistiques de plusieurs méthodes d’analyse (modèles mixtes et generalized estimating equations). Enfin, à titre d’illustration, la 4ème partie présente un protocole de « within-person trial » visant à évaluer le sirolimus topique dans les malformations lymphatiques superficielles. Le schéma d’étude en « within-person » présente de multiples spécificités à la fois méthodologiques et statistiques qui doivent être pris en compte lors de la planification et de l’analyse de l’étude. Les dermatologues et méthodologistes doivent également tenir compte de l’acceptabilité du patient.